Nabucco vs Russie: du gaz à défaut d’une Europe unie.

Publié le par Alex

image2jpgLe 13 juillet dernier, à Ankara, la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche ont signé un accord qui ouvre la voie à la réalisation du projet Nabucco. Petit rappel des faits pour ceux qui n’auraient pas suivi l’évolution d’un conflit énergétique centrale pour l’Union Européenne. Actuellement l’UE se fournit à hauteur de 41% de ses importations de gaz auprès de son voisin russe. Seulement le transit actuel du gaz vers l’Europe se fait par l’Ukraine qui fut accusé l’année dernière par Moscou de se servir au passage, entrainant une grave crise d’approvisionnement durant l’hiver. Ce face à face entre la Russie et l’ancien « grenier de l’URSS » n’est pas nouveau et intervient plus largement dans le cadre du maintien de l’influence russe dans la région. De son côté, l’UE de part sa Politique Européenne de voisinage (PEV) cherche à stabiliser politiquement sa périphérie dont l’un des enjeux majeurs est la sécurisation des voies d’approvisionnement en gaz dont la consommation devrait doubler d’ici à 2020. Afin de réduire sa dépendance envers la Russie, Bruxelles souhaite diversifier un peu plus ses voies d’importations en entamant la construction d’un gazoduc de 3300 kilomètres ralliant l’Asie centrale à l’Europe de l’Ouest baptisé « Nabucco ». Deux obstacles non négligeables s’opposent encore à la réalisation : le financement et l’approvisionnement. Estimé à 8 milliards d’euros, le pipeline devrait être financé à hauteur de 250 000 euros (seulement) par l’Union, à hauteur d’un tiers maximum par des partenaires privés et le reste devrait être prêté par les banques. Au niveau de l’approvisionnement, pour l’instant seul l’Azerbaïdjan a assuré de sa participation en attendant ses voisins ouzbèkes, kazakhs, etc.… Quant à la Turquie, elle conditionne sa participation à des garanties concernant son entrée dans l’Union. Seulement l’équation aurait été trop simple si la Russie dont la stratégie de puissance est largement basée sur ses ressources énergétiques n’avait pas contre-attaqué en étant conscient du principal point faible de l’Union qu’est la division. Sa riposte s’organise autour de deux axes : le Nord Stream et le South Stream. Le but avoué de ces deux nouveaux gazoducs est d’offrir de nouveaux chemins d’approvisionnement aux européens sans qu’ils transitent par l’Ukraine. Le but « caché » du Kremlin est d’enterrer le projet Nabucco et d’enrayer la cohésion européenne en matière politique énergétique. Il est évident que le consortium qui réussira à terminer les travaux en premier disposera d’un avantage décisif. Le gazoduc South Stream vise à rallier l’Italie en évitant l’Ukraine et en passant par la Hongrie et l’Autriche (en attendant l’accord de la Roumanie). Dans cette affaire le géant russe Gazprom est associé à l’italien Eni alors que se murmure de plus en plus qu’EDF prendrait le contrôle de 10% du projet car le français doit assurer son approvisionnement en gaz pour fabriquer son électricité. Concernant le Nord Stream, l’ambition est de construire des pipelines passant sous la mer Baltique pour fournir directement l’Allemagne dont les sociétés sont très impliquées dans la réalisation du projet. La stratégie de Poutine est de prendre en ciseaux le futur gazoduc de l’Union et d’utiliser ses partenaires allemands et italiens pour ralentir ce dernier. En effet, nos voisins allemands sont désormais opposés au versement de fonds européens pour Nabucco. La bonne nouvelle est que les européens jouent dans les deux camps et seront assurés de leur approvisionnement en gaz. Le revers de la médaille est que l’Europe va rester à la merci de Moscou qui a eu la lucidité d’appâter les grands Etats nations de l’Union et leurs grandes sociétés respectives pour définitivement enterrer les espoirs de ceux qui imaginaient une politique énergétique européenne commune.

Arthur.

 

 

Publié dans UE

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